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1908/10 page 249
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Hier matin je suis allé voir le père Malzac. Je l'ai cherché longtemps dans l'établissement des jésuites; puis j'ai trouvé un vieux père courbé à tête de paysan avec de grosses lèvres et une longue figure triste12. C'est lui qui sait le mieux le malgache, des français. Il a écrit une grammaire et un dictionnaire tout à fait beau. Il m'a mené dans sa petite case, peinte à la chaux, assez sale -- avec dans un coin une bouteille d'eau, des tas de livres par terre et un beau fauteuil oriental où il s'asseoit. Mais c'est tout à fait étrange. Il n'a aucune idée sur les Malgaches. Il ne tient ni aux malgaches ni aux européens. Il me parle sans ironie de la pacification du Général Gallieni. Il me dit: "j'ai vu la guerre de l'autre côté, du côté malgache. C'est intéressant. Il y a beaucoup de points sur lesquels l'histoire française se trompe tout à fait." Je lui dis: "qu'est-ce que vous pensez du caractère des Malgaches? -- le caractère? Oh c'est comme les Français, je pense. Ils n'en ont pas." Alors une foule de petits gosses noirs entrent dans la case. Ils tripotent les livres et un vide la bouteille d'eau. "Allez-vous en, enfants" -- dit gravement le père. Et ils ne bougent pas, mais ils s'amusent sans bruit comme tous les Malgaches. Voilà. Et il ne me dit guère rien d'autre. J'ai inventé un prétexte quelconque pour venir le voir. Il est arrivé ici à 40 ans. Il a appris le malgache, parce qu'il était à Madagascar, voilà tout. En Perse il aurait appris le persan et écrirait l'histoire persane, sans plus de joie. 12 Le caractère du Père Malzac était généralement qualifié de "bon enfant". À l'époque où J.P. fait sa connaissance, il était déjà en mauvaise santé. |