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1949/10 page 61
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Nous nous permettons d'ouvrir une parenthèse pour exposer notre point de vue sur le sens du terme hain-teny. Dans Albinal-Malzac dont nous avons parlé au début de cet exposé, il figure comme composé de deux mots: hay et teny. Le même ouvrage distingue trois mots hay (tous les familiers de la langue malgache le savent). Le premier est une interjection. Le second est un substantif qui signifie brûlure, chaleur. Il ne peut donc être question de ceux-là. Le troisième, celui auquel fait allusion Jean Paulhan, signifie: su, connu, pu, qu'on peut faire, dont on est capable, qu'on fréquente, qu'on peut gouverner. C'est un participe. Donc adopter la définition Jean Paulhan, c'est convenir que dans ce cas possessif, le substantif teny est complément du participe hay. Ce qui n'est pas conforme à la logique. Il nous faut donc faire une contre-proposition. L'examen de la nature même des hain-teny nous a permis de constater que e sont des poèmes authentiques qui n'étaient pas tous à la portée de tout le monde et composés, créés par une catégorie restreinte de personnes que nous dénommerions aujourd'hui "poètes" mais qui, aux yeux du grand peuple, étaient tout simplement des fantaisistes, fantaisistes du language, fantaisistes de la pensée. Il existe en effet un substantif haitra, plus connu par son duplicatif haitraitra, -- traduit précisément par fantaisie, caprice, bizarreries -- qui semble répondre exactement au sens que nous aimerions attendre des hain-teny. Pour la composition du terme hain-teny, a-t-on employé haitra ou son duplicatif haitraitra? On ne sait, mais dans l'un comme dans l'autre cas, la thèse peut être soutenue. Si c'est haitra qui a été usité, le mot s'écrirait pour le cas possessif hai-teny, sans n avant le trait d'union, comme pour tous les mots brefs se terminant par tra: zaitra, zai-pantsika, etc. Il paraît vraisemblable que Jean Paulhan ait été induit en erreur -- et nous tous aussi d'ailleurs pour avoir acquis l'habitude d'écrire hain-teny avec un n -- par une faute imputable sans doute à un linguiste non poète. Nous avons pu, nous-même, rencontrer quelques vieux Malgaches illettrés renommés pour leur science de joutes oratoires auxquels nous avons demandé de prononcer lentement le nom des poèmes en malgache. Nous n'avons jamais perçu le n de hain-teny. Deuxième cas: haitraitra. Si c'est ce mot qui a été employé à l'origine, hain-teny aurait été haitraitran-teny qui a donné, par contraction, hain-teny. Le terme haitraitran-teny est d'ailleurs usité aujourd'hui encore par certains auteurs (exemple: Vaovao Frantsay-Malagasy du 29 août 1947, p. 584). [Flavien Ranaivo] |